La présomption d’innocence, cette muselière
Le choix d’une réponse à l’article, ce n’est pas une tribune, publié dans Le Monde, habitué des tribunes à la gloire des agresseurs, sur ce blog dédié à la correctionnalisation du viol n’est pas un hasard. La correctionnalisation est un révélateur de l’arbitraire, de la violation quotidienne des principes généraux du droit , du principe à valeur constitutionnelle que constitue l’égalité des justiciables devant la loi, de la blessure infligée continuellement à l’Etat de droit.
La correctionnalisation, possible seulement dans le silence de toutes les parties, est aussi une pratique qui ne serait pas aussi massive sans la participation passive et même active d’un nombre important d’avocats.
Ils/elles se disent contre l’accusation si dure avec ces pauvres innocents, mais sont avec, quand il s’agit de piétiner les droits de celles qui en sont les victimes.
Mon petit doigt me dit que les 114 avocates pénalistes qui profitent de la célébrité d’un fugitif pour avoir un écho médiatique sont les premières à participer à l’arbitraire utilisé comme moyen de gestion du système pénal. Notons au passage que certaines signataires sont associées dans le cabinet qui défend Polanski.
Elles prétendent lutter contre le système (juges, magistrats) mais font révérence aux juges, aux magistrats lorsque ceux-ci foulent aux pieds les principes fondamentaux.
Oser laisser entendre que les violences ne relèvent pas d’un système politico-judiciaire est un aveuglement volontaire si ce n’est de la mauvaise foi pure.
Oser en appeler à la présomption d’innocence hors cadre judiciaire, absence de mise en examen et pire encore pour un homme qui a reconnu à minima des « rapports sexuels illégaux » ,est déjà une imbécillité, mais vouloir faire de la présomption d’innocence une muselière pour faire taire les victimes et plus généralement celles/ceux qui se battent pour faire évoluer le droit et la société sur les violences et en particulier sur les violences sexuelles est une connerie monumentale.
Ecrire qu’il n’est pas coupable car il n’y a pas eu de poursuites*, Ouf encore heureux que la justice ne juge pas quelqu’un sans le poursuivre. Mais oublier de préciser que si il n’y a pas eu de poursuites c’est parce que la justice a jugé les faits prescrits, c’est encore une preuve manifeste de malhonnêteté intellectuelle de ces avocats qui dans le même temps estiment que la prescription n’est pas une forme d’impunité alors que si il n’a pas été poursuivi c’est précisément parce que les faits sont prescrits.
Si la prescription qui empêche toute discussion sur des accusations n’est pas le visage de l’impunité je ne vois pas de quoi il s’agit.
Ces avocates se gardent bien de définir les notions telles que : présomption d’innocence, Etat de droit. Elles assènent des notions hors de leur cadre, des notions qui ne concerneraient selon elles que les droits de la défense.
La présomption d’innocence s’appliquerait désormais hors poursuites judiciaires et toutes les victimes doivent se museler en attendant la condamnation définitive.
Si tu déposes plainte contre un homme pour viol parce que tu as été violée, alors tu violes (sic) la présomption d’innocence.
Si tu combats l’impunité dont bénéficient nombre de violeurs en utilisant Polanski ou Matzneff comme symbole de cette impunité alors tu nies la présomption d’innocence.
Mais Mesdames les avocates, j’ai le droit, nous avons le droit de penser et de dire que par principe un enfant, une fille, une femme qui accuse un homme de viol dit vrai. Nous avons le droit de le dire d’autant que les fausses accusations, toujours à déplorer, sont l’exception.
Mesdames les « sopranos » vous seriez tellement plus crédibles si vous vous inquiétiez plutôt du fait que les hommes condamnés pour viol soient essentiellement des gens de milieux défavorisés. Ignorer ce fait, choisir le 8 mars pour défendre un homme qui a fuit la justice, qui a avoué avec une certaine délectation sa « préférence pour les jeunes filles » en vous cachant derrière l’Etat droit et la présomption d’innocence, est tout bonnement pathétique.
La présomption d’innocence défendez-là dans les prétoires ne venez pas nous dire ce que nous devons penser en société.
Quant à votre peur (ah ah) de parler alors que vous êtes invitées à vous exprimer sur un claquement de doigt c’est une fumisterie mais vous n’en êtes plus à une énormité près.
Les victimes ont peur : des violeurs, des violents, de cette société qui maintient volontairement les violences, toutes les violences, pour réduire au silence les victimes mais plus globalement le peuple auquel on veut retirer toute velléité de résistance.
Vous me faites honte d’utiliser à votre tour ce mot : lynchage.
Lorsque des gens utilisent leur droit de grève, c’est une prise d’otage
Lorsque les féministes, les victimes et les gens en général se battent contre l’impunité, c’est du lynchage.
Les mots n’ont plus aucun sens. Ne soyez surtout pas surprises si un jour un homme connu pour être un violeur mais laissé libre et célébré est véritablement lynché. Vous aurez la joie de participer à donner aux mots leurs véritables sens.
Faire semblant de s’intéresser à la victime de Polanski parce qu’elle dit avoir pardonné en reprochant à celles qui dénoncent l’impunité des violeurs, dont Polanski, tout en demandant à toutes les victimes de se taire lorsqu’elles crient leur douleur, leur rage de ne pas être entendues. Mais quelle hypocrisie, quel cynisme. Honte à vous.
Enfin, pour éviter aux victimes de se tromper dans le choix d’une avocate, voici le nom des 114 qui veulent vous faire taire
Liste des 114 signataires
* plainte en 2017 « c’est une ancienne actrice allemande, Renate Langer, qui assure avoir été violée par Roman Polanski dans son chalet de Gstaad, en 1972, alors qu’elle avait 15 ans. » Faits prescrits. Source Le Parisien